Pourquoi taire les crimes du communisme (suite)

 

 

Dans un article précédent nous en étions arrivé à 1922, fin de la période léninienne (Lénine est mort en 1924). Atteintes à la démocratie, à toutes les formes de liberté, dictature d'un parti sur un peuple, déportations et crimes : non seulement la mort de Lénine ne mit pas un terme à tous ces maux, mais depuis l'arrivée de Staline au pouvoir, entouré de ronds-de-cuir (1) à sa botte, les peuples qui composaient l'Union soviétique subirent pendant plus de soixante ans (les successeurs de Staline continuant son « œuvre ») un régime despotique (2). Dans le cas de la Russie soviétique, le despote ne fut pas un individu, mais plutôt une personne « morale » : le parti ; là réside l'aspect totalitaire du régime en même temps que sa force. Le parti agissant pour le bien de tous, chacun participe, brique scellée dans l'édifice de la dictature, jusqu'au dissident qui, convaincu de la nécessité et de l'inéluctabilité du but final, se résigne à considérer ceux qui le persécutent, non comme des gardiens du dogme, mais comme des révisionnistes, au pire des falsificateurs de la doctrine.

 

 Ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas d'attirer l'attention sur une dictature qui par sa durée est loin d'être un cas unique dans l'histoire, car des dictatures et des tyrannies, au fil des siècles, les hommes en ont vu d'autres, mais plutôt de relever un fait étrange : il n'est pas interdit (il est même conseillé) dans notre société de clouer au pilori (3) toutes les formes de dictature à condition de ne pas toucher au communisme ! Je crois m'être expliqué là-dessus dans ce même article (4). J'ajouterais, mais ce n'est pas le sujet ici, qu'il faut s'interdire aujourd'hui de mettre en cause l'islamisme : on accepte bien des choses quand elles viennent du tiers-monde. Argument de l'extrême gauche : les régimes dictatoriaux des pays du tiers-monde seraient des produits de l'impérialisme occidental. Allons camarades, depuis des millénaires, en matière de dictature et d'injustice, les peuples de là-bas ont disposé du nécessaire sur place. A commencer par l'esclavage qui n'a pas été initié par la colonisation. Les autochtones avaient depuis longtemps fait preuve de leur savoir-faire en la matière. Mais revenons à nos moutons.

 

 La liste des agressions, pillages, entorses au droit international, crimes cités ci-dessous est dressée dans « Le livre noir du communisme » un ouvrage tant décrié, pour des raisons bien compréhensibles. On reproche à Stéphane Courtois « d'enlever son caractère historique au phénomène.» Ce qui revient à justifier la violence : face au monde impérialiste, les bolcheviks y auraient été contraints… A la boutade « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs », Vladimir Boukovski répliquait qu'il avait vu les œufs cassés, mais n'avait jamais goûté l'omelette. (cité par Courtois)

 D'autres reprochent aux auteurs de ne pas faire la différence entre la théorie communiste et son application détournée en Russie, en Chine, au Cambodge… On pourrait leur rétorquer que des millions de Soviétiques, de Chinois, de Cambodgiens sont morts avant d'avoir eu le loisir de lire les textes fondateurs. Ils n'en ont connu que les implications.

 

 Mais attention : après avoir lu et relu les critiques, parfois très vives, adressées aux auteurs de ce livre, si les contradicteurs remettent en cause des chiffres, jamais, je dis bien jamais ils ne mettent en cause les faits rapportés :

 

 

-         Assassinat de dizaines de milliers de personnes dans les camps de concentration entre 1918 et 1930 ;

 

-         Déportation de deux millions de koulaks en 1930-32 ;

 

-         La grande famine ukrainienne de 1932-33 liée à la résistance des populations rurales à la collectivisation forcée, provoqua la mort de 6 millions de personnes ;

 

-         Liquidation de près de 690.000 personnes lors de la Grande Purge de 1937-38 ;

 

-         Négociations secrètes de Staline avec Hitler aboutissant à deux traités du 23 août et du 28 septembre 1939, partage de la Pologne, annexion à l'URSS des états baltes, de la Bucovine du nord et de la Bessarabie ;

 

-         Agression de la Finlande le 30 novembre 1939 ;

 

-         Exécution de 4500 officiers polonais à Katyn en 1939 ; un massacre qui, pour Vidal-Naquet aurait pu entrer dans le cadre du procès de Nuremberg (5);

 

-         Plusieurs centaines de milliers de militaires allemands sont morts après avoir été déportés au goulag entre 1943 et 1945 ;

 

-   Le mutisme imposé par le parti concernant les exactions commises par les soldats de l'armée rouge, en particulier les viols de femmes allemandes dans l'Allemagne occupée. Voir à ce sujet le reportage « Les Russes à Berlin » Scherz Verlag München-Bern-Wien, 1965 Robert Laffont, 1967 dans lequel Erich Kuby, citant Horst Schützler relève :

 

« Le spectacle de milliers de kilomètres de sol national dévasté, de villes et villages rasés, de potences et fosses communes où avaient fini tant de citoyens soviétiques allumait, dans le cœur des soldats russes, une haine démesurée contre les agresseurs allemands et effaçait parfois la distinction établie par leurs chefs militaires et politiques entre les fascistes hitlériens et les populations allemandes égarées, et leur inspirait des sentiments de vengeance (souligné par moi) (…) Tous les citoyens soviétiques n'avaient pas encore assimilé l'idéologie socialiste au point d'être préparés à cette terrible épreuve ! »

 

Certes. Mais les massacres commis par les SS en Union Soviétique justifient-ils les exactions commises par les soldats soviétiques sur des femmes allemandes ? Non. Pas plus que les massacres de civils français par la Gestapo et l'armée d'occupation ne justifiaient le mot d'ordre de résistants, probablement de la dernière heure : « A chacun son boche ! »

 

-   Pillage systématique de tout l'appareil industriel des pays occupés par l'Armée rouge. Plus que l'appareil industriel, des produits finis (en Allemagne avant-guerre) furent revendus sous un autre nom (russe) après avoir subi quelques menues modifications. C'est le cas en photographie et en optique, la plupart des usines de fabrication étaient en Allemagne orientale (Iéna, Dresde…). Je possède un appareil 6x9 pliant à soufflet de marque Mockba qui est la copie exacte du Zeiss Ikon Ikonta 6x9 d'avant-guerre. Pire qu'une contrefaçon : un livre de référence (6) indique qu'il est possible que certains composants de cet appareil aient été fabriqués en Allemagne avant la guerre ! (voir aussi la contrefaçon soviétique du Leica allemand ci-dessous)

 

-         Déportation de centaines de milliers de Polonais, d'Ukrainiens, de Baltes, de Moldaves et de Bessarabiens (7) en 1939-41, puis en 1944-45 ;

 

-         Déportation des Allemands de la Volga en 1940-41 ;

 

-         Déportation-abandon des Tatars (8) de Crimée en 1943 ;

 

-         Déportation-abandon des Tchétchènes (9) en 1944 ;

 

-         Déportation-abandon des Ingouches (10) en 1944 ;

 

-         En 1943-44 Staline a fait retirer du front des milliers de wagons et des centaines de milliers d'hommes des troupes spéciales du NKVD pour assurer dans le délai très bref de quelques jours la déportation des peuples du Caucase. 

 

 

 

§

 

 

 Dans un troisième temps, on procédera à un double examen :

 

1/ les crimes de l'après-guerre avant et après la mort de Staline en URSS et dans les pays occupés dénommés « démocraties populaires » ;

 

2/ pourquoi les intellectuels et les dirigeants politiques occidentaux ont respecté la loi du silence sur ces crimes. Pourquoi les dirigeants staliniens et leurs complices n'ont-ils pas été jugés devant un Tribunal international ?

 

 

§

 

 (1) rond-de-cuir n. m. Fam., péjor. Employé de bureau. (Par allus. au coussin de cuir qui garnissait les sièges de bureau.) Des ronds-de-cuir.  © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(2) despote n. et adj.  1. n. m. Souverain qui exerce un pouvoir arbitraire et absolu.  

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(3) Clouer qqn au pilori, le désigner à l'indignation publique. © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(4) Pourquoi taire les crimes du communisme ?

 

(5) Katyn, village de Russie, à l'O. de Smolensk. Dans la forêt de Katyn les Allemands découvrirent en avril 1943 les cadavres de quelque 4500 officiers polonais et attribuèrent ce massacre à l'Union soviétique, laquelle se défendit en accusant l'Allemagne. Les enquêtes menées après la guerre établirent la responsabilité de la police politique soviétique (reconnue par l'U.R.S.S. en 1990).

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(6) Princelle Jean Loup.- The authentic guide to Russian and Soviet cameras, deuxième édition, Août 2004 ;

(7) Bessarabie, rég. de Moldavie et d'Ukraine, au N.-O. de la mer Noire, entre le Prout et le Dniestr. ­ Russe en 1878, roumaine de 1920 à 1940 et de 1941 à 1944, la Bessarabie a été  reconnue partie intégrante de l'U.R.S.S. au traité de Paris de 1947. Ce traité a été dénoncé par la Roumanie en 1991. 

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(8) Tatars, peuple de nomades turco-mongols dont la présence est attestée au VIIIe s. dans l'O. de l'actuelle Mongolie. Ils furent écrasés par Gengis khan en 1202, mais les Européens nommèrent longtemps «Tartares» tous les envahisseurs mongols, puis diverses populations turques de Russie. De nos jours, les Tatars, musulmans, sont évalués à env. 7  millions de personnes; on distingue essentiellement les Tatars de la Volga et les Tatars de Crimée. Ces derniers, déportés par Staline à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ne furent réhabilités qu'en 1987 et luttent toujours pour regagner leur territoire national.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(9) Tchétchènes, peuple caucasien islamisé, les Tchétchènes (environ 650000 personnes en 1995) ont valeureusement résisté à l'expansionnisme russe des XVIIIe et XIXe siècles, jusqu'à la chute de leur chef Chamil (1859): Grozny («la Terrible» en russe) devint alors ville de garnison russe. Après la prise de pouvoir bolchevique, leur territoire est successivement partie de la «République autonome des montagnes», «Région autonome», puis portion de la Fédération de Russie, à nouveau «République autonome» mais en association avec les Ingouches (1936). En 1944, Tchétchènes et Ingouches sont déclarés «peuples punis» et déportés en Sibérie. Leur république disparaît et est colonisée par des Russes et des Géorgiens jusqu'en 1957, date à laquelle la déportation est suspendue et la république recréée. Ce long passé d'adversités est évidemment une source de ressentiments très vifs des populations locales envers les Russes, et il n'est pas surprenant que cette hostilité se soit transformée en conflit ouvert après la chute du système soviétique (1991).

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(10) Ingouches, peuple musulman du Nord du Caucase. Déportés massivement en 1943-1944 par Staline, ils purent s'établir dans la République de Tchetchénie-Ingouchie en 1957.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

 

 

   Une contrefaçon étonnante d'après guerre:

 

                                                     cliché M.Pourny

 

 

  à droite l'original allemand "Leica",            à gauche la copie "Zorki" soviétique

 

La différence la plus visible est l'absence du levier de retardateur sur le Zorki (il y eut des Leicas sans retardateur) 

 

 



17/04/2010
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