Toute vérité est-elle bonne à dire ?

 

 

 

 Bien sûr que non, sinon de civilisation il n’y en aurait plus. La société serait invivable. Il faudrait avouer à quelqu’un qu’il est gros, à un autre qu’il est sot. Même avec mon chien j’aurais un problème de conscience si j’apprends qu’il souffre d’une maladie mortelle. Hypocritement, je garderais ça pour moi, et je le cajolerais plus que d’habitude.

 

 Il y a toutefois des exceptions. J’en connais à qui je dirais avec plaisir les quatre vérités. Menteur ! Même ça je ne l’ose pas.

 

 Non mais sans rire, imaginez-vous un président qui dirait la vérité à ses concitoyens ? Voilà, mes chers compatriotes, les années qui viennent seront –pour vous- effroyables. Le chômage va grimper de façon vertigineuse, le pouvoir d’achat n’en parlons pas, vous allez devoir vous serrer la ceinture, abréger vos vacances, limiter vos loisirs, la moitié des centres hospitaliers vont fermer, sur les terrains de foot avec l’argent public on va construire des mosquées, quand à Noah il va sortir un nouveau disque… Bref, il faudrait prévoir des élections anticipées afin qu’au plus vite un candidat menteur se présente aux électeurs.

 

 Je dis menteur, j’exagère. Disons une personne douée pour l’enrobage, qui ne prononcerait plus jamais le mot chômeur dans ses discours, mais « citoyen diplômé en recherche d’emploi », qui au lieu de délinquant susurrerait « gamin en mal-être issu des quartiers défavorisés », qui ne parlerait plus de guerre mais « d’assistance aux forces de paix », qui au lieu de dire que des personnes ont été massacrées pour leur fidélité à des religions minoritaires, évoquerait de « douloureux et déplorables conflits interreligieux ». Qui nous dirait que Noah continuerait de chanter, mais en privé, la sortie d’un nouveau disque restant très improbable. Un candidat qui promettrait de prendre aux riches pour donner aux pauvres. Un candidat qui promettrait de tenir ses promesses. Le voilà l’heureux élu, c’est sûr.

 

 Récemment, un ministre a dit que toutes les civilisations ne se valent pas. Grave erreur. Il ne faut pas dire ça, surtout quand on est ministre, et même si on le pense. La politique est un métier extrêmement difficile, et plus qu’avant. On doit cela à l’omnipotence des médias. Vous parlez d’un sujet délicat pendant un quart d’heure, ils vous sortent la phrase qui tue, hors contexte. En fait, ils ont le pouvoir, et inévitablement l’opposition en profite. Et le pire, c’est que dans l’opposition aussi on le pense. Vous n’allez pas me dire qu’un pays où l’armée tire au mortier sur des quartiers populaires faisant des centaines de morts est à mettre –au niveau des us et coutumes- sur le même plan qu’un état où le maire d’une ville qui administre une gifle à un délinquant récidiviste qui l’a insulté et menacé de mort doit se présenter devant la justice. Nous sommes loin d’un simple décalage entre des systèmes politiques différents, il ne s’agit plus de controverse entre la gauche et la droite, mais de simple bon sens. Imaginez-vous en France des bandes armées de machettes venir égorger des enfants dans les villages et violer les femmes ? Bien sûr que non, et le plus nunuche des alter mondialistes n’oserait l’imaginer.

 

 Oui mais voilà, il faut faire semblant. Nos bourgeois à la rose parvenus au pouvoir feront ce que la droite y fait, c’est-à-dire pas grand-chose, avec un petit plus toutefois : ils excellent dans l’enrobage et le faux semblant. Ils restent sur le registre tout le monde est gentil (sauf leurs adversaires politiques), tout va bien se passer, on va s’aimer. Une idéologie qui n’a rien à voir avec le socialisme dont ils croient être issus, mais plutôt avec la culture du péché originel, réactualisé. Colonisateurs jadis, on a tout faux, on doit maintenant payer la note, brader république, nation, démocratie, laïcité, libertés publiques à des gens qui, parce qu’ils viennent d’ailleurs ont tout vrai, même s’ils colportent des idées et des mœurs incompatibles avec les principes conquis de haute lutte dans les pays d’accueil.

 

 C’est aussi le rôle des grandes écoles d’enseigner l’art du discours. Il faut dire qu’on aime ça. Les analyses à n’en plus finir, les chiffres à qui on fait dire tout et son contraire, les mots difficiles enveloppés de mystère, les phrases alambiquées et incompréhensibles dictées sur un ton grave et définitif, tout cela nous occupe et nous impressionne, beaucoup plus que le frangin qui nous sort « ben voilà, le boss s’est cassé dans la nuit avec les machines, j’suis au chomdu !».

 

 D’ailleurs moi-même, qui vous parle avec tant d’assurance, cher lecteur, si vous saviez tout ce que je vous cache !

 

 

§ 

 



18/02/2012
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