Si je parle...

 

 Si je parle on brûle ma voiture. Voilà ce qu’on entend à sept heures du matin à la radio. Ensuite, calme plat. C’est à Sevran, Seine-st-Denis. Deux bandes s’affrontent, des blessés, l’un d’eux dans le coma. Trafic en tous genres, drogue. Une habitante parle (à sept heures, je le rappelle, après on ne l’entendra plus). Elle dit qu’ils s’installent dans le hall de l’immeuble, table et chaises, les clients arrivent, transactions, bref la routine. En termes clairs, la pègre a pris possession des lieux. A sept heures du matin, encore mal réveillé, on se demande si la république existe encore. Sur place, les gens normaux se taisent, l’omerta est la règle (1).

 

 Le maire parle : non, ce n’est pas un problème de noirs ou d’arabes (réponse au journaliste qui faisait la liaison avec les propos d’Eric Zemmour), c’est un problème social. A mi-mot, contre celui qui évacuerait le problème social, on sent poindre l’accusation de racisme. La suite vous la connaissez, on a droit au discours sur le chômage, le mal-être, la banlieue défavorisée, l’absence de police de proximité, la prévention, tout le monde est gentil, c’est la faute à la société… l’impérialisme américain a eu chaud, pour un peu il était responsable de l’altercation. Bref, le maire n’a rien dit, c’était la cassette enregistrée qu’on entend depuis que les représentants de la république ont décidé que la France devrait s’accommoder du mélange entre les gens honnêtes et les trafiquants de drogue. Ils ne le disent pas comme ça, mais le résultat est que la ménagère qui rentre chez elle doit dire trois fois pardon, baisser les yeux et s’excuser d’exister.

 

 Je parlais d’omerta dans le quartier, à l’évidence la politique du laisser faire menée par nos angelots suppose la loi du silence au niveau national. Une radio comme France-info si prompte à dénoncer les bavures policières –ce qui est tout à son honneur- reste muette comme une carpe dès qu’il s’agit d’évoquer la violence entre les bandes, sinon pour en rendre responsable le monde entier sauf les bandes en question. Les dégradations dans les transports, dans les établissements publics, les incivilités, l’absentéisme scolaire, le vol d’un portefeuille, le viol en réunion, l’agression d’un professeur, ne cherchez pas : c’est la Société qui est responsable de tous ces maux. Si le professeur se fait agresser, la faute en revient au nombre insuffisant de surveillants. Le trafic de la drogue et le règne des caïds dans les quartiers ? C’est à cause de l’absence de police de proximité… Je voudrais les y voir, nos diplômés de l’ENA, faire le pied de grue le soir à Sevran, quand les clients arrivent. L’absentéisme scolaire ? Parlez donc de porter atteinte aux saintes allocations familiales… non, vous faîtes fausse route, les parents n’y sont pour rien. Leurs enfants, ils ne les ont pas faits exprès.

 

« Rien ne ressemble plus à un innocent qu’un coupable qui ne risque rien. » disait Tristan Bernard.(2)

 

  Du secrétaire général au militant de base, on cultive le culte de l’irresponsabilité, dans presque tous les partis. Oui, presque. Le Front national peut se frotter les mains. Ses meilleurs alliés sont les délinquants, car les grands de ce monde, ceux qui ont voix au chapitre, aux télés et aux radios, ont décidé que les délinquants n’en étaient pas, mais qu’ils étaient des victimes d’un système social qui les a oubliés. Quand aux victimes, les vraies, surtout, chuuuut ! n’en parlons pas, ne troublons pas le sommeil de nos élus. Un sommeil troublé seulement par ceux qui n’ont toujours tenu de discours que celui de la haine, et qui, pour des raisons purement électorales sont montrés du doigt par ces diplômés de l’ENA dont l’angélisme politique est une machine à fabriquer du Front National.

 

§

 

 

(1) omerta n. f. Loi du silence, imposée par une mafia. © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001

(2) L’enfant prodige du Vésinet

 



31/03/2010
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