Où il faut, encore et toujours, revenir sur le problème religieux

 Le faible rayon lumineux qui pointait entre les barreaux révélait à peine les lézardes et les cafards qui couraient le long des murs. Ce n'était pas tant l'obscurité –les hommes d'église y sont habitués- qui tourmentait Monseigneur, mais plutôt l'injustice dont il était victime.

 

 Du jour où, par décret, le gouvernement avait interdit les sectes, on pouvait s'attendre à tous les abus. L'inévitable s'était produit lorsque le Procureur, en pleine audience, avait brandi le sixième tome du Littré, ouvert à la lettre « S » :

 

            « Secte : ensemble de personnes qui font profession d'une même doctrine. »

 

Monseigneur avait bien tenté de faire valoir la sagesse de l'Eglise, en l'opposant à l'outrance et à l'irresponsabilité des religions minoritaires. Mais le Procureur, emphatique, avait cité Jean-Jacques Rousseau :

 

« Je considérais cette diversité des sectes qui règnent sur la terre, et

 qui s'accusent mutuellement de mensonge et d'erreur ; je demandais :

 quelle est la bonne ? Chacun me répondait : c'est la mienne. »

 

 Dans sa cellule, Monseigneur tentait bien de se consoler, en se disant que les condamnations n'épargneraient pas les pasteurs. Mais ce mot le fit frémir car il lui rappelait la période héroïque de la Révocation de l'Edit de Nantes et son cortège de supplices, meurtres et potences, ingénieux moyens mis en œuvre par l'imagination catholique jamais à court de créativité pour en finir avec l'Hérésie.

 

 Dans sa cellule, Monseigneur tentait bien de se consoler, en se disant que les condamnations n'épargneraient pas les imâms. Mais ce mot le fit frémir car il lui rappelait la période héroïque et sanglante des Croisades pour la Reconquête de la Terre Sainte.

 

 Dans sa cellule, Monseigneur tentait bien de se consoler, en se disant que les condamnations n'épargneraient pas les rabbins. Mais ce mot le fit frémir car il lui rappelait ce millénaire et demi de périodes héroïques émaillées de rouelles, étoiles, dénonciations, expulsions et déportations.

 

 Monseigneur chassa de son esprit toute idée de revanche. Après tout il était vivant, entier, et n'avait pas été contraint d'avouer sous la torture. Le gouvernement était énergique, la prison peu réjouissante, mais la démocratie, même laïque, avait du bon.

 

§



09/06/2008
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