L'Islam, la Gauche, et nous et nous et nous

 

(extrait de « à 100 000 années des Lumières »)

 

 

Jacques :  Belle leçon qui consiste à ne pas confondre les religions avec les peuples qui les pratiquent ou les subissent. Eviter d’évoquer le « monde chrétien », le « monde musulman », caractérisations équivoques et dangereuses, comme l’était celle d’un « lobby juif » proférée par des dictateurs sanguinaires au siècle précédent. Ce sont là des raccourcis dangereux du langage : un mot sépare les hommes, et le racisme pointe le bout de son nez. Peut-être aussi faut-il avec modération parler de peuple, de nation, de pays, de terroir, car tout cela mène à la patrie et ses monuments aux morts. A trop flatter le terroir, on finit dans les tranchées.

 

 La liberté s’efface devant l’unanimité. Il y aurait sur une île un seul individu à ne pas se prosterner devant les idoles, qu’on devrait s’interdire de parler d’un peuple idolâtre. Le voilà peut-être le véritable droit à la différence : le contrat qui unit les membres d’une société doit laisser à chacun la liberté de penser ou de croire. La volonté générale n’a rien en commun avec l’esprit d’équipe ou la pensée unique. Le respect d’une volonté générale traduite dans les règles d’une démocratie n’implique pas que tous ses membres regardent (ou prient) dans la même direction.

 

 Et l’on voudrait justifier un droit à la différence dans le respect sacré des traditions ? Le droit de mutiler les petites filles ? Le droit de lapider les femmes adultères ? Le droit d’imposer l’accouchement aux femmes violées ? Le droit de laisser la moitié de l’humanité dans l’ignorance et l’illettrisme ? 

 

 Le respect sacré des traditions a son pays, c’est la Bêtise humaine. 

 

Rachid :  D’accord sur toute la ligne. Maintenant, va expliquer ça aux gardiens de la révolution iraniens, ou aux militants du Hamas, je ne donne pas cher de ta peau. C’est comme les gens qui disent : oui, les allemands, ils ont suivi Hitler comme un seul homme. D’abord ils font une erreur, il y avait aussi des femmes. Mais j’aurais voulu les y voir ces pourfendeurs du nazisme, soixante-dix ans auparavant, le soir dans les rues, à Nuremberg, après le discours du guide. Ils auraient été moins bavards. Pourtant, il y en a eu des allemands, hommes et femmes, pour dénoncer la barbarie du régime. En Palestine, en Iran, au Pakistan et ailleurs la bravoure existe aussi.

 Je ne comprends pas, mais alors pas du tout cette… je cherche le mot…cette bienveillance d’une grande partie de la gauche, en particulier des intellectuels, vis-à-vis des islamistes. Savez-vous que certains d’entre eux sont invités dans les « forums sociaux » altermondialistes ? Je ne comprends pas comment des gens qui veulent changer le monde peuvent s’acoquiner avec les représentants des idées les plus réactionnaires. Je ne comprends pas comment des associations qui se prétendent républicaines ont tergiversé quand il s’agissait de faire respecter la laïcité à l’école. Si elles persistent dans cette voie, gauche et extrême-gauche s’égarent, prennent des risques, et en font prendre à la société toute entière.

 Je me pose une question : cette bienveillance est-elle consciente, voulue ? Mais alors dans quel but ? 

 

Olivier : La lutte du peuple palestinien, la crise des banlieues, les discriminations…

 

Rachid : On ne parle pas de la même chose. Sans le Hamas et les fous de dieu ou d’ailleurs, il y a longtemps que les gens des deux bords se seraient rencontrés. Il faut que la gauche prenne conscience que sa responsabilité est celle d’un courant qui fait le tour du monde. Les islamistes le savent bien pour qui les hauts parleurs de la gauche constituent de bons relais pour leur stratégie de conquête. Ils savent que seuls ils n’arriveront à rien. Leurs discours condamnant l’Amérique, l’impérialisme, et plus généralement la société occidentale sont autant d’appels du pied à ceux qui –pour des raisons différentes et respectables celles-là- usent de leur droit de critique vis-à-vis d’une société trop inégalitaire et oublieuse de ses Lumières. Je vais être direct : les réseaux dormants, c’est de la foutaise. Bon, même s’ils existent, là n’est pas le problème. Le réseau véritable, c’est nous. Nous qui tergiversons, parce que ceci ou cela, les conséquences de la colonisation, la misère dans le monde, les banlieues défavorisées, le chômage, les jeunes désoeuvrés, les discriminations, gna gna gna…

 

Jacques : Tu ne vois donc aucun lien entre la misère, la situation désespérée de ces millions de gens du tiers-monde et la propagation de l’islamisme ? L’Occident n’est-il pas en partie responsable ?

 

Olivier :  « En partie », le mot est faible. Cela m’amuse de voir nos bons démocrates jouer les vierges effarouchées. N’oublions pas que pendant des siècles, cet Occident qui donne des leçons de morale au monde entier, a colonisé, réduit en esclavage, exploité des peuples qui ne font aujourd’hui que lui rappeler qu’ils existent...

 

Daniel : …en tuant des travailleurs dans le métro, en explosant des tours qui abritent 3000 personnes, en incendiant des mosquées, des synagogues, en utilisant des enfants comme boucliers humains ? Depuis l’aube de l’humanité, aucun peuple n’a commis de telles horreurs. Un peuple terroriste, ça n’existe pas. Un peuple terrorisé, par contre…  Et je crois comprendre ce que Rachid voulait dire.

 

Rachid :  Les réseaux dormants, c’est nous. On se tait. Au mieux, quand ça explose ici ou là, on proteste trois jours après dans une marche silencieuse. On se tait parce qu’on a peur. On annule un voyage, on reporte une course automobile, choses sans importance comparées à la peine des familles des victimes. Peur, nous avons peur.  Comme dans le métro. Une fille se fait agresser, personne ne se lève. Stop ! Il faudra bien qu’un jour les démocraties se réveillent. Et comme charité bien ordonnée commence par soi-même, un conseil à donner à la gauche : qu’elle condamne elle-même fermement le terrorisme, sans lui apporter la moindre justification, qu’elle rompe tous ses liens avec la mouvance islamiste ! Croyez-moi, les fous ici perdant leur audience, les gens là-bas se sentiront moins seuls. Du même coup, une fois levées les ambiguïtés, le discours socialiste en faveur d’une autre répartition des richesses sera beaucoup plus crédible.

 

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19/09/2008
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