C'est pas moi c'est l'autre

 

Discours entendu :

 

« S'il y a de la délinquance, du fanatisme, du terrorisme, c'est parce qu'il y a du désespoir. S'il y a du désespoir, c'est à cause de la misère ; misère matérielle, misère morale. C'est la société qui est en cause. » 

 

 Mais enfin, pourquoi chercher toujours hors de nous-mêmes l'origine et même la cause de nos actions ? Les plus grands philosophes ne nous ont-ils pas dit, écrit, démontré que l'homme est ce qu'il fait, qu'il n'existe que par ses actes ?

 

 On avait cru dépassée cette idée que pour l'humanité tout était dit, annoncé, inévitable. Que notre liberté consistait à suivre un chemin que de profonds maîtres penseurs avaient bien voulu nous indiquer.

 

 « Le bonheur ? Vous prenez à gauche, à droite, attention, il y aura du monde sur la route. Ne faîtes rien, nous ferons le reste. »

 

 On avait cru dépassé le fatalisme religieux, une conception tellement contraire au libre-arbitre qu'elle imposait aux êtres humains la réparation d'une faute qu'ils n'avaient pas commise.

 

 On avait cru révolu le temps de ces héros, ces guerriers –bras armés des dieux- aux faits d'armes si joliment colportés par le poète aux premiers temps de l'antiquité.

 

 On avait cru dépassée cette conception de l'homme déterminé par les dieux, le destin, les astres, la jaunisse, les lois économiques, les cinq sens plus celui de l'histoire, les stars et les idoles, les pulsions sexuelles, l'image du père, que sais-je encore, le réchauffement climatique… et voilà qu'on nous propose « la Société ». Qui est-elle donc celle-ci pour justifier que des bandits du XXI° siècle brûlent une maison des jeunes et de la culture et tendent une embuscade à des pompiers ?

 

 On avait cru révolu le temps des grandes promesses. Ainsi devait aller le genre humain –bon an mal an-  vers des destins formidables : le Royaume des Cieux et le Socialisme étant les destinations les plus demandées. Il suffisait alors d'avoir la foi ou d'être un ouvrier d'usine pour être placé sur les rails. Attention au départ mesdames et messieurs…Et hop! Mais les motrices sont tombés en panne, faute de carburant : Dieu est mort sans laisser d'adresse, et les maîtres à penser …n'avaient pas pris le train, les petits malins ! Les portes s'ouvrent. Les pauvres gens désemparés sortent des wagons. Tout reconstruire. Rase campagne. Sous les étoiles. Sans signe. Sans chef. Sans maître. Sans dogme. Sans maréchal. Sans secrétaire général. Sans prophète. Sans messie. Sans prêtre. Sans bible. Sans manifeste du parti. Sans haruspice. Sans horoscope. Comme au tout début, au temps des pionniers qui se redressèrent dans la savane. Avec en plus, l'expérience. Eternel retour, mais largement au-dessus, de femmes et d'hommes responsables et capables de tout, libres.

 

 Sur une estrade allait et venait un homme. C'était monsieur Parisot, un professeur. Il parlait d'un étudiant russe qui menaçait une vieille rombière pour sa fortune. Il tenait dans la main une arme, il levait le bras. Son bras restait en l'air longtemps car le professeur devait terminer son explication.

 

-         Voyons, dit-il, quelle est cette instance, cette force, cette puissance qui pourrait encore empêcher Raskolnikov de commettre l'irréparable ?

 

 Dans la classe les réponses fusèrent, tour à tour récusées par le professeur : la peur du châtiment, la peur du Châtiment, le remords, un sentiment d'amour totalement imprévu mais provoqué par la densité de la situation, l'idée qu'après tout l'argent ne fait pas le bonheur des hommes surtout quand son acquisition se double d'un meurtre, le souvenir d'un père et de ses leçons de morale, le souvenir d'une mère ressemblant à cette femme, la peur d'être découvert, suspecté, interrogé, torturé peut-être, bref, les réponses fusèrent. J'imaginais ce jeune homme dressé derrière la vieille dame, le bras levé au bout duquel brillait une lame. Nous nous demandions : quelle loi, quel dieu, quel commandement aurait pu arrêter en plein vol le mouvement de ce bras… sinon cette voix venant du tréfonds de soi, cette voix fluette bien souvent quoique toujours audible qui nous dit « tu dois », qui nous dit « tu ne dois pas ». Peu importe les noms compliqués que les grands moralistes ont donné à ces mots, ils résonnent en nous, qui que nous soyons, grands, petits, jeunes, âgés, riches ou pauvres. Cette voix, ces mots qui font de nous des femmes, des hommes responsables.

 

 Pour ceux qui restent prisonniers de l'idée que les rails de la misère mènent nécessairement à la délinquance, il serait bon de méditer ce que l'instituteur nous disait à la petite école :

 

« …de nos actes nous devons répondre ».

 

Quand à vous, femmes et hommes de médias, si vous n'êtes pas responsables des fautes commises par d'autres, évitez au moins de les dissimuler. 

 

§



06/05/2008
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